OEUVRES 1990-1999

Jours tranquilles (1999)
Oeuvre permanente dans
Seniorenzentrum Dornach-Auhof, Linz, Autriche
 





Linz (Autriche), installation de 5 photographies sérigraphiées sur émail.


L'oeuvre que j'ai installée en 1999 dans la résidence pour personnes âgées (Seniorenzentrum Dornach-Auhof) se présente sous la forme de 5 plaques d'émail intégrées à la construction et situées dans des lieux du bâtiment propices à la rencontre et à la discussion. Les images qui y figurent résultent d'une rencontre avec les habitants et le personnel de la résidence , les images sont des recadrages (détails) de photographies empruntées aux collections privées des personnes rencontrées.
Ces 5 éléments forment un ensemble. Ils ne sont pas dissociables les uns des autres même si chaque élément comporte un titre:
1 La femme au champ de blé située dans la salle à manger
2 L'homme à la rivière situé dans la salle à manger
3 Le vent d'été situé dans la salle à manger
4 Les jeunes aux cigarettes situés dans le salon du premier étage
5 le goûter situé dans le salon du dernier étage
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Cleunay: ses gens, (1998)
Oeuvre permanente, Rennes
 









Rennes, 1998, sérigraphies sur films 3M contrecollés sur panneaux aluminium dans espace urbain.

En 1998, j’ai été invité, par la Ville de Rennes, à réaliser une œuvre dans le cadre de la politique de commandes publiques que cette ville avait instituée depuis une dizaine d’années. J’étais pour ma part invité à travailler sur le quartier de Cleunay. un espace d’habitation ayant eu longtemps une image négative dans la représentation que s’en faisaient les Rennais du centre-ville.

J’ai vite pensé que réaliser à Cleunay une œuvre monumentale et centrale, dans un quartier assez banal et au centre difficilement trouvable, c’était impossible. Alors j’ai pris du temps en rencontrant des personnes, des associations, pour essayer de comprendre ce qu’était ce lieu de vie si ordinaire qui m’attirait. Cleunay en 1950 fut une cité d’urgence, installée par l’Abbé Pierre, pour accueillir les familles d’origine rurale et ouvrière, attirées par l’industrialisation galopante et les mutations engendrées par la reconstruction de la France de l’après-guerre. Pour les habitants du centre-ville, à l’époque, aller vivre à Cleunay c’était « se rapprocher de la racaille » ; cette expression a été prononcée devant moi. Pour les « Cleunaysiens » en revanche, vivre à Cleunay, c’était tenter de se faire respecter, obtenir les services publics nécessaires : des abris-bus, un bureau de poste, des terrains de sport, un centre social, etc. Habiter Cleunay c’était, dans les années soixante, vivre au cœur d’une communauté associative et militante.

Je me suis progressivement dit qu’il n’y avait ici que peu à voir. L’œuvre d’art, justement, ne devait pas corriger cela. J’ai donc réalisé une œuvre intitulée Cleunay : ses gens. Elle apparaît sous la forme de neuf grands panneaux en aluminium placés sur les accotements de deux boulevards constituant un axe de circulation très fréquenté par les Rennais du centre et par les habitants du quartier. Ils comportent des images et des textes travaillés sur informatique. Ils sont la réplique formelle des panneaux « d’animation paysagère » – l’expression est celle de la DDE – que l’on trouve au bord des autoroutes ou routes Françaises et européennes. C’est exactement le genre de panneaux qu’utilise le pouvoir technico-politique quand il invite les gens à regarder un paysage considéré par lui comme « remarquable ».
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Pensées de Saïda d’Amélie et d’Al Sola (1996)
Collection du FNAC

 







Paris, 1996, cartes postales dans présentoir, diaporama.

Cette œuvre a été réalisée grâce à la collaboration du curé de l’église Saint-Eustache de Paris et des membres de l’association Solidarité SIDA Saint-Eustache, qui aide aux liens entre les malades et leurs proches. Ces personnes ont beaucoup lutté pour que la société prenne plus en compte socialement les problèmes d’exclusion que génère le SIDA.
J’ai rencontré des personnes atteintes de cette maladie – des malades « ordinaires » si je puis dire –, mais aussi des bénévoles, des amis, des prêtres, des familles, des travailleurs sociaux…
J’ai collecté des textes provenant de correspondances (lettres ou cartes postales) les plus ordinaires et les plus amicales aussi, reçues par des malades ou écrits par eux-mêmes. Les textes sélectionnés sont des tranches de vie qui parlent de lieux. Des photographies personnelles de paysages, prises par les malades durant des moments de pause dans la maladie, ont également été collectées. Ces images de paysages ont un rapport avec la vie de ces personnes. A partir de ces textes et de ces photographies, j’ai réalisé une série de sept images destinées à devenir des cartes postales et aussi à être projetées.
Ce qui m’intéressait aussi, c’est que la carte postale est en fait un espace public et un espace privé. Ces cartes postales ont été éditées et vendues. Les recettes issues de la vente ont été versées à l’association Solidarité SIDA Saint-Eustache. 


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O Meu Jardim, (1996)
Oeuvre éphémère, Luxembourg








Luxembourg, 1996, matériaux de récupération, terre végétale, végétaux, peinture, installation dans espace urbain, actions d’habitants.

Le long du Boulevard Royal, sur une petite place de 300 m2 en pavés bien taillés, au centre-ville de Luxembourg, j’ai réalisé avec Joao Bento, ouvrier à la retraite, une « sculpture-jardin » qui est venue troubler l’ordre de la capitale prospère du Grand Duché. C’est Le Casino, centre d’art contemporain de Luxembourg, qui m’avait invité à réaliser une œuvre.
Les travailleurs immigrés venus du Portugal sont nombreux à Luxembourg. Certains se sont débrouillés pour créer des jardins légumiers sur des terrains au statut incertain, aux alentours de la ville. J’ai rencontré Joao dans un tel contexte. Je lui ai proposé de re-créer un jardin, tel qu’il l’aurait fait si une autre parcelle lui avait été attribuée et notamment là, au centre-ville, dans cet espace emblématique du prestige municipal. Je lui ai proposé une sorte de « jeu » avec moi : nous construirions ensemble, dans l’espace public et sous sa direction technique, un lieu privé non soumis aux codes sociaux habituels, et notamment une cabane, un jardin avec clôture, des plantations moins décoratives qu’alimentaires, un petit élevage de poules et de lapins… Il a accepté. Il s’est beaucoup impliqué.

Ce jardin a été « monté » en trois jours. Tout avait été préparé par moi et Joao pendant les trois mois précédents : recherche de matériels, semis et plantations en pots dans son « vrai jardin » de Beggen… La terre a été apportée par le service des espaces verts. Les matériaux utilisés étaient tous des éléments de récupération trouvés sur des chantiers, à la décharge publique ou donnés par des gens.

La sculpture a duré trois mois. Pendant cette période le jardin a été cultivé, les poules et les lapins élevés, et la cabane a été habitée par Joao et ses amis de passage. Nous avons eu un tel souci d’exactitude dans les détails que ce faux-jardin a semblé avoir été là de toute éternité. Tout apparaissait aux passants comme si la ville actuelle s’était développée en contournant cet espace, sans arriver à le supprimer, faisant de celui-ci, par contre-coup, une sorte d’îlot de résistance.


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La Villeneuve (1994)







Grenoble, 1996, scanachrome de photographie sur toile en milar contrecollée sur bois installé sur terrasse d’équipement collectif, textes sérigraphiés sur plaque émaillée placés dans espace vert.

En 1996, le centre d’art Le Magasin, à Grenoble, et la Fondation de France, m’ont offert la possibilité de réaliser une œuvre dans le quartier de La Villeneuve à Grenoble. J’y ai vécu huit mois, à intervalles réguliers. J’ai voulu saisir de l’intérieur ce qui pouvait se vivre et se dire dans ce quartier dit « sensible », stigmatisé par la presse et les habitants du centre-ville. Car en effet, ce lieu donne l’impression d’être une citadelle hostile, avec cette barre d’immeubles si haute lorsque l’on sort du tramway à l’arrêt Les Bruyères.  Franchie la barre et vues du parc, les choses changent : la piscine, les écoles, les équipements sportifs, les terrains de jeux, les centres culturels, les espaces aérés, tout concourt à une vie sociale possible, plus tranquille.
J’ai choisi deux espaces de cette cité. Je suis d’abord intervenu sur une terrasse de bâtiment, au cœur de la « citadelle », là où atterrissent des détritus jetés par la fenêtre de certains habitants surplombant le lieu, il y avait des papiers gras, des caddies, des saletés… J’ai tout nettoyé, puis j’ai placé là, sur cette terrasse, à dix mètres au dessus du sol, sous les fenêtres des habitants, une photo agrandie (9 m2 de surface et légèrement pliée, contrecollée sur deux lais en bois), un peu comme si elle était « tombée là », comme jetée, elle aussi. C’est une photo d’un moment heureux prise par un jeune couple qui m’a autorisé à faire ce geste. Je n’ai fait qu’agrandir et mettre en situation cette photo, si ordinaire. Par la suite les gens ont continué à jeter des détritus. Dans un autre espace plus pacifié, près du parc, là où les familles se retrouvent en été, j’ai planté à même le sol des panneaux en émail sur lesquels sont sérigraphiés des mots tirés des cartes postales que les habitants s’écrivent durant les vacances. Ce sont des paroles simples d’habitants déposées dans un espace de calme et de rencontre.

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Fanninberg, (1995)
Oeuvre permanente, Fanninberg, Autriche









Fanningberg (Autriche),1995, photographies sur porcelaine, photographies sérigraphiées sur plaque émaillée dans village rural, actions d’habitants.


J’ai passé quinze jours dans le land de Salzbourg, en Autriche, au printemps de l’année 1995. Mon choix s’est arrêté sur un petit hameau de la montagne des Hohe Tauern, Fanningberg, à cent vingt kilomètres au sud de Salzbourg dans la commune de Mauterndorf (Lungau). Le lieu-dit Fanningberg comprend une dizaine de familles de paysans qui complètent leurs revenus en louant des chambres aux vacanciers. Les maisons sont puissantes, elles sont réalisées avec le bois des forêts voisines, malgré la modernité et le tourisme de plus en plus envahissant, on est frappé à Fanningberg par l’aspect tellurique de l’environnement. Ici la nature pourrait tout écraser et elle le fait encore souvent par les avalanches, les débordements de torrents.

J’ai loué une chambre chez l’habitant dans cette montagne où l’homme fait corps avec la nature. J’ai passé du temps au contact de la population dans les espaces extérieurs mais aussi dans les intérieurs des maisons pour photographier des documents, des objets, des vêtements. Ici, je me suis intéressé beaucoup plus aux gens d’aujourd’hui, aux fermières, chargées de la laiterie dans les exploitations familiales, à leur vêtements, aux fleurs figurant comme motifs répétitifs et assez universels sur les corsages.

Autour de ces cinq fermes, le long de la petite route qui serpente, sur les murs des maisons, contre les granges en bois, parmi les amas de planches, sur une remorque, j’ai installé des plaques d’émail sur lesquelles figurent des photographies empruntées aux gens. J’y ai fait figurer aussi des photographies prises par moi de détails de vêtements de femmes. L’ensemble est fait de douze pièces. L’installation évolue selon la vie de l’espace qui l’accueille, par l’initiative des paysans qui peuvent déplacer les plaques d’émail, selon leurs besoins d’exploitants agricoles et d’habitants.

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L'Atelier de l'Office, (1993)
Oeuvre permanente, Ivry Sur Seine









Ivry-sur-Seine, 1993, Photographies sur porcelaine, photographies plastifiées, photographies sérigraphiées sur plaque émaillée, textes sérigraphiés sur plaque émaillée, installation dans espaces d’entreprise, actions d’ouvriers.

En 1993, après deux journées de déambulation à Ivry-sur-Seine, j’ai pensé qu’il me fallait imaginer un projet autour des lieux de travail où exercent de nombreux ouvriers et techniciens, dans cette banlieue marquée par le monde du travail.
Mon idée première était d’intervenir sur ces nombreuses portes d’ateliers donnant sur la rue. Progressivement, j’ai pensé aller plus loin et intervenir directement dans l’espace d’une ou de plusieurs entreprises. L’atelier d’entretien et de rénovation des logements de l’Office départemental des HLM s’est vite imposé comme un lieu intéressant.
Je me suis intéressé à la manière qu’avaient ces occupants « d’habiter » ces lieux « à eux », à leur façon de badigeonner de vert ou de jaune certaines portes de leur environnement de travail, car cette peinture verte était disponible, en provenance de l’excédent d’un chantier. Nous avons trouvé un accord pour rénover l’ensemble de l’espace à partir de ces couleurs qu’ils avaient sous la main. Il a été convenu, ensuite, que j’apposerais des photos et des textes, trouvés dans les « tiroirs » des secrétaires ou dans les casiers des ouvriers (avec leur accord et après rencontres).
J’ai installé onze photographies sur émail et porcelaine, et des textes sérigaphiés sur plaque émaillée dans l’espace de l’atelier de l’Office. Ces textes proviennent tous des ouvriers et techniciens du lieu. Six années plus tard, alors que certaines photos simplement plastifiées s’étaient dégradées, j’ai eu la surprise de constater que l’association des ouvriers et techniciens s’était mobilisée pour trouver les fonds permettant de changer une grande photo. Ils l’ont fait refaire en émail et pour garantir une bonne durabilité à cette œuvre réalisée en commun.
 
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Saint-Carré (1991)
Oeuvre permanente, Collection Frac Bretagne
 
 




Saint-Carré, 1991, Photographies sur porcelaine, photographies sérigraphiées sur plaque émaillée dans village rural, actions d’habitants.


Saint-Carré est un petit village breton des Côtes-d’Armor. Il y a là un petit bar-épicerie, des maisons de granit agglutinées autour de la chapelle, une allée de boules.
On a le sentiment d’une communauté traditionnelle. Pourtant l’agriculture industrielle est passée par là, les cultivateurs se font de plus en plus rares, ceux qui restent développent un mode d’exploitation industriel de la terre, les sources sont polluées. Chacun est devenu plus autonome dans son travail, les solidarités traditionnelles s’exercent moins, même si le lien social tient encore. On a le sentiment d’une civilisation rurale traditionnelle qui va mourir. Saint-Carré, c’est comme une sorte de carte postale in vivo des années soixante.

J’ai passé du temps avec les gens de ce village : parler, boire le café avec eux. Je leur ai emprunté des photos de famille, de celles qui me paraissaient révélatrices, non pas de l’histoire de ce village, mais de l’idée que moi je me faisais d’une communauté mise en crise. Ces photos, je les ai transposées, en les recadrant très peu, sur des plaques d’acier émaillé ou sur des plaques de porcelaine. Je n’ai pas du tout cherché à «faire image». Les photos sont discrètes, il faut marcher, arpenter, plonger dans le milieu pour les découvrir. L’œuvre, elle n’est pas dans les photos mais dans le rapport entre les photos, les gens, le lieu.