Mon prénom signifie Septembre (2009)
Installation in situ de caissons lumineux
Mon prénom signifie septembre est une œuvre in situ pour le quartier des Etats-Unis à Lyon 8 et
celui de Montmousseau à Vénissieux. Milin est allé à la rencontre des
habitants. Il a pris note de phrases entendues dans les intérieurs des
habitations. Ces textes sont en décalage avec ce que les médias donnent
le plus souvent à voir de certaines populations stigmatisées. Milin a
choisi de détourner les caissons lumineux qui servent une signalétique
de l’urgence ou de l’organisation froide (exemples : police,
conciergerie, gardien…) pour y déposer ces phrases : Dans mon village la montagne
avait la forme d’un bateau, Victor Hugo est mort… Ces mots mis en
espace, enfermés dans leurs caissons, créent alors le trouble et ouvrent
de nouveaux espaces imaginaires interrogeant la vie en commun.
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Gérard Margerite (depuis 2009...)
Lettres et photographies, mini-vitrine -
cadre aluminium anodisé, épaisseur 19 mm, fond métal gris clair, façade
plexiglass, verrouillage du cadre par clé, 34,5 x 48
cm
Gérard Margerite est un
retraité, photographe amateur que Delphine et Robert Milin ont inventé.
Ce personnage fictif vit
dans un centre ville. Il aime se promener et observer la ville, mais aussi
partir en vacances, avec sa petite fille Léa, à la découverte d’autres univers.
Ce promeneur inlassable est souvent attiré par les vitrines, ces éléments
incontournables de nos paysages urbains. Ce sont elles qui se donnent à voir,
avec force, pour tenter de créer en nous le désir de consommer. Mais les
promenades paysagères de Gérard Margerite, durant ses vacances, sont tout
autant d’occurrences pour sa curiosité et son incessante interrogation, devant
ce qui se manifeste.
Parfois, il se sent
ébranlé, tant les situations, les sollicitations commerciales, dans l’espace
vécu, lui semblent préoccupantes par rapport à ce que, lui, s’imaginait
pouvoir découvrir. Alors Gérard Margerite, ne pouvant rester là, ruminant
ses pensées, décide d’écrire et de transmettre.
Et il le fait à l’adresse
des responsables, leur disant ses inquiétudes, ses interrogations, comme
parfois aussi ses ravissements.
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Portrait de groupe de contrôleurs de la SNCF (2008)
Extrait Vidéo
2008, installation, vidéo,
son, table et chaises
Invité en 2007 en résidence par
l’Agence Culturelle et les Archives Départementales de la Dordogne, j’ai décidé
de réaliser des portraits de contrôleurs SNCF
Pour cela j’ai fait poser devant
moi neuf contrôleurs en provenance de diverses régions de France. Ils étaient
placés devant une caméra et un micro. Je les ai filmés un par un, dans deux
petits espaces aménagés par moi en guise de studio et permettant une petite
mise en scène que je dirigeais.
En travaillant sur un portrait
de groupe de contrôleurs de la SNCF je cherchais à interroger la question de
l’identité - elle est toujours sociale - mais en privilégiant l’idée de
multiplicité de la personne - l’identité ne nous disant rien des fantômes
intérieurs qui font agir ou s’abstenir l’individu -. Je ne souhaitais pas faire
un constat passif ni opaque des personnes filmées, mais je recherchais, avec
leur complicité, une très légère mise en scène volontaire : leur attitude
possible, au petit-déjeuner, avant de partir travailler et affronter les
voyageurs dans les voitures du train.
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Sculpture
de trottoir (2006-2007)
Dijon, 2006-2007,
installation in situ
En
2006-2007 j’ai décidé d’installer dans les rues de divers centres villes ce que
j’ai appelé des outils visuels, chacun prenant la forme d’un petit bac en bois.
Ceux-ci pouvaient recueillir de la terre et des plants et arborant deux
écriteaux sur piquets - destinés à présenter des textes et des photographies.
Cet
outil sculptural avait - et a - toujours pour vocation à être momentanément
déposé sur certains trottoirs, proches des lieux où habitent des personnes
isolées et des personnes autres, souhaitant collaborer. Il ne se conçoit pas en
objet unique mais en multiples, surgissant dans certains quartiers urbains,
mobilisant l’initiative de gens qui en infléchissent l’aspect et veillent à sa
vie.
Chaque
outil peut être investi par une ou plusieurs personnes. Elles ont la charge de
le faire vivre pendant une période à définir sur place. Les personnes
collaborantes peuvent choisir d’y planter des fleurs, des aromates, de les
arroser, de les entretenir… Ainsi investis les « outils » constituent
dans leur totalité, et par l’espace plus vaste qui émane d’eux, une sculpture
sociale plus vaste.
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Solutions Pratiques et Solutions Non Pratiques (depuis 2006)
Extrait Vidéo
2006, vidéos et aquarelles
En 2006, j’ai
commencé deux séries de portraits en situation intitulés Solutions Pratiques et
Solutions Non Pratiques. Ces œuvres se composent de courtes vidéos et
d’aquarelles, chaque médium proposant une approche différente du portrait.
Le premier fil conducteur est la solution pratique, c'est-à-dire une petite invention
permettant de régler un problème dans l’espace du quotidien (cuisine, salle de
bain, chambre jardin…). Ce problème sans être intime est suffisamment
particulier pour que le design ne s’en soit pas emparé. Pour Solutions Non Pratiques, j’ai rencontré
à nouveau des personnes, mais leurs inventions cette fois-ci sont plutôt constitutives
de «ratés» et d’équivalents à l’idée du « provisoire qui dure ».
Veni, Veni (2005)
Extrait Vidéo
2005,
vidéo
Invité
en 2005 en résidence d’artiste à Saint Circq Lapopie j’ai souhaité poursuivre
mon travail sur le monde rural amorcé avec Allez
viens donc !
J’ai
voulu travailler sur l’idée du portrait.
Il
m’a semblé que je pouvais réaliser des portraits d’éleveurs, en me préoccupant
moins directement du contexte, surtout dans le monde paysan très marqué par des
stéréotypes. J’ai également écarté l’idée d’un portrait qui se voudrait
neutre, silencieux, uniquement en gros plan. J’ai choisi de travailler sur la
voix et le langage. Je me suis intéressé à l’appel, au cri, à l’interaction cri
espace. Le cri poussé dans l’espace est un volume qui emplit tout,
momentanément.
Pour
cela j’ai fait poser devant moi des éleveurs de brebis, placés à 1,50 m d’une
caméra. Au-dessus d’eux, un micro.
Ces
éleveurs, habitants du Quercy, je les avais longuement rencontrés auparavant,
afin de leur expliquer puis de leur demander de collaborer avec moi. En fin de
parcours, dans le studio que j’avais improvisé, un par un, ils sont venus
s’asseoir, face à la caméra, comme devant un photomaton.
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Allez, viens donc! (2005)
Extrait Vidéo
2005,
vidéo, son
Invité
en 2005 en résidence à l’abbaye de Bon Repos en Bretagne, j’ai décidé de
travailler sur le monde agricole qui organise et dessine nos paysages ruraux.
J’ai
rencontré pendant deux années des paysans pour me confronter à la réalité de
leurs exploitations. Je les ai invités à participer à mon projet, à travers
leurs pratiques.
En
tout j’ai rencontré environ cinquante personnes. J’ai découvert que les vaches
laitières ne vivent plus aujourd’hui que cinq ou six ans, alors qu’il y a
cinquante ans elles vivaient jusque quinze ans. J’ai voulu aborder ce qui se
traque derrière ces paysages pittoresques vendus aux touristes et assumer le
conflit qui traverse le monde rural. Il est encore trop souvent présenté,
aujourd’hui comme un lieu de « retour aux sources et aux racines ».
Cette
œuvre prend la forme d’un travail vidéo où le son et l’image sont associés pour
rendre compte d’un aspect d’une réalité multiple et complexe. Le matériau
sonore se constitue des appels enregistrés auprès des paysans. Les images - des photographies prises
sur les lieux de mes rencontres - sont celles des paysages d’une campagne
pensée comme un lieu de travail tel que la vache pourrait le voir.
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Attention, Chien Léchant ! (2003)
Grisolles, 2003, dessins, textes, panneaux en bois dans espace public, actions d’habitants.
A l’initiative du conservateur du musée des Arts et Traditions populaires de Grisolles, j’ai été invité en janvier 2003 à passer une semaine dans cette petite ville de 3 000 habitants, située près de Montauban dans le Tarn-et-Garonne. Le souhait du responsable de ce petit musée de province était d’amorcer un projet d’artiste impliquant la population, mais aussi d’apporter un regard extérieur sur le territoire et sa communauté.
Grisolles est ce qu’on appelle aujourd’hui une petite ville « rurbaine » où se télescopent un passé rural – encore présent – et une vie contemporaine insufflée par une population nouvelle, exerçant dans la métropole proche de Toulouse. Elle est écartelée entre son passé rural et un développement post-industriel. Tout ceci semble vécu sous l’angle de l’optimisme teinté cependant d’une peur, s’agissant de la cohésion du tissu social.
Il y a à Grisolles, comme dans tous les villages et villes de France, une signalétique publique et des panneaux publicitaires qui, à force d’apparaître, ne frappent plus le regard. Quelque chose cependant est venu déclencher une idée en moi. Me promenant dans les ruelles du centre, j’ai été saisi par des panneaux en bois plantés dans divers lieux et arborant un arrêté municipal. Ils posaient le problème de l’incivilité de certains propriétaires de chiens, peu respectueux de l’hygiène publique, s’agissant des déjections d’animaux. Ce qui m’intéressait c’était la forme singulière de l’écriteau, fait dans l’urgence par l’agent de la mairie. J’étais sensible à cette écriture administrative qui va à l’essentiel, protégée par une pochette en plastique transparent, détournée elle aussi de son usage – cette pochette n’était pas prévue pour l’affichage mais pour le classement des documents. On sentait là comme une exaspération et un désarroi, ces crottes de chiens revenant sans cesse ; c’était du tragi-comique ! Je pensais aussi plus sérieusement à ces gens, croisés ça et là, qui en me parlant de leur chien, racontaient en réalité beaucoup plus d’eux-mêmes, de leur vie personnelle, comme de leur difficulté à vivre en communauté.
J’ai décidé alors de rencontrer beaucoup de propriétaires de chiens à Grisolles, à leur domicile ou ailleurs, pour parler avec eux de leur « compagnon de vie ». J’ai recueilli les phrases ordinaires et symptomatiques que les personnes prononçaient à propos d’eux et de leur chien. Tout ceci au détour d’une conversation assez simple, sans interview lourde. J’ai décidé de dessiner leur animal de compagnie avec des crayons à bille, des pastels pour enfant, des crayons de couleur, empruntés sur place. Certains dessins, je les ai faits dans leur salle à manger. Dessiner comme cela sur le grand espace d’une table de salle à manger, c’est mieux que de prendre une photo, il y a moins de « vol de l’image » Je ressens cela, comme si une enveloppe spatiale et humaine plus forte existait alors autour de moi. Cette immersion, en accord avec ce que je recherche, facilite mon expression. Je m’intéresse par là même à cette pratique innocente du dessin, à l’instar aussi des enfants voulant dessiner leur chien ou leur chat. Il me semble que tout commence toujours comme cela : vouloir dessiner une maison, un paysage, un chien, un oiseau.
Certaines de ces phrases, je les ai imprimées sur feuille A4, avec la même police de caractère que celle de l’arrêté municipal. Je les ai encapsulées sous plastique et contrecollées sur les même panneaux et piquets en bois. L’ensemble a été installé dans le centre-ville, là où les chiens marquent leur territoire en allant faire leurs besoins. J’ai émaillé les textes, selon la même présentation, par des photocopies de mes dessins assortis des noms des chiens rencontrés. Les vrais noms des chiens ne sont pas les noms des chiens dessinés. Je les ai mélangés. Je ne veux rien illustrer.
_____________________________________________________Grisolles est ce qu’on appelle aujourd’hui une petite ville « rurbaine » où se télescopent un passé rural – encore présent – et une vie contemporaine insufflée par une population nouvelle, exerçant dans la métropole proche de Toulouse. Elle est écartelée entre son passé rural et un développement post-industriel. Tout ceci semble vécu sous l’angle de l’optimisme teinté cependant d’une peur, s’agissant de la cohésion du tissu social.
Il y a à Grisolles, comme dans tous les villages et villes de France, une signalétique publique et des panneaux publicitaires qui, à force d’apparaître, ne frappent plus le regard. Quelque chose cependant est venu déclencher une idée en moi. Me promenant dans les ruelles du centre, j’ai été saisi par des panneaux en bois plantés dans divers lieux et arborant un arrêté municipal. Ils posaient le problème de l’incivilité de certains propriétaires de chiens, peu respectueux de l’hygiène publique, s’agissant des déjections d’animaux. Ce qui m’intéressait c’était la forme singulière de l’écriteau, fait dans l’urgence par l’agent de la mairie. J’étais sensible à cette écriture administrative qui va à l’essentiel, protégée par une pochette en plastique transparent, détournée elle aussi de son usage – cette pochette n’était pas prévue pour l’affichage mais pour le classement des documents. On sentait là comme une exaspération et un désarroi, ces crottes de chiens revenant sans cesse ; c’était du tragi-comique ! Je pensais aussi plus sérieusement à ces gens, croisés ça et là, qui en me parlant de leur chien, racontaient en réalité beaucoup plus d’eux-mêmes, de leur vie personnelle, comme de leur difficulté à vivre en communauté.
J’ai décidé alors de rencontrer beaucoup de propriétaires de chiens à Grisolles, à leur domicile ou ailleurs, pour parler avec eux de leur « compagnon de vie ». J’ai recueilli les phrases ordinaires et symptomatiques que les personnes prononçaient à propos d’eux et de leur chien. Tout ceci au détour d’une conversation assez simple, sans interview lourde. J’ai décidé de dessiner leur animal de compagnie avec des crayons à bille, des pastels pour enfant, des crayons de couleur, empruntés sur place. Certains dessins, je les ai faits dans leur salle à manger. Dessiner comme cela sur le grand espace d’une table de salle à manger, c’est mieux que de prendre une photo, il y a moins de « vol de l’image » Je ressens cela, comme si une enveloppe spatiale et humaine plus forte existait alors autour de moi. Cette immersion, en accord avec ce que je recherche, facilite mon expression. Je m’intéresse par là même à cette pratique innocente du dessin, à l’instar aussi des enfants voulant dessiner leur chien ou leur chat. Il me semble que tout commence toujours comme cela : vouloir dessiner une maison, un paysage, un chien, un oiseau.
Certaines de ces phrases, je les ai imprimées sur feuille A4, avec la même police de caractère que celle de l’arrêté municipal. Je les ai encapsulées sous plastique et contrecollées sur les même panneaux et piquets en bois. L’ensemble a été installé dans le centre-ville, là où les chiens marquent leur territoire en allant faire leurs besoins. J’ai émaillé les textes, selon la même présentation, par des photocopies de mes dessins assortis des noms des chiens rencontrés. Les vrais noms des chiens ne sont pas les noms des chiens dessinés. Je les ai mélangés. Je ne veux rien illustrer.
Non Vigilance (2002)
2002, photographies sous plexiglas, bacs de rangement et volume.
Durant mes
voyages, au hasard des rencontres, j’avais décidé de m’intéresser à ce que les
gens pouvaient regarder durant des moments de repos ou de vacuité, quand
l’attention vers l’utile se relâche. Je faisais l’hypothèse que, dans ces
instants, des « objets » – qui seraient peut-être aussi des vues de paysage –
étaient susceptibles de venir au regard des personnes dans divers espaces de
leur vie : chambre, bureau, cuisine, salon, atelier… Dans mon idée, jamais les
gens, ici, n’auraient a priori voulu convoquer ces « objets » dans un souci
d’utilité ou d’intéressement (matériel, esthétique, mnésique…). « L’objet » que
je voulais photographier sur la suggestion des gens, ne devait en aucun cas
être son propre référent. Il devait simplement « apparaître » de manière
fréquente et presque involontaire en « imageant » par là même une pensée.
Je suis
donc allé à la rencontre des personnes dans leur maison, leur appartement, plus
rarement sur leur lieu de travail, pour photographier « l’objet », le détail
d’espace ou de paysage, qui viendrait s’imposer à eux dans des moments de
repos, dans un fauteuil, durant une pause, le soir allongé dans le lit avant de
s’endormir… J’ai adopté une méthode : travailler avec un appareil photo
numérique en demandant aux gens de cadrer eux-mêmes la photo. Puis j’ai demandé
à la personne d’écrire sur la photo, un petit commentaire, une phrase simple
concernant la pensée venue.
J’ai
souhaité que la photographie devienne une sorte « d’objet » par elle-même,
ayant un certain poids, qu’il soit assez « précieux », malgré la banalité
apparente de ce qui est représenté. Je ne voulais pas que ces photos soient «
exposées ». Le collectionneur, me semble-t-il, stocke, range, classe, archive.
Il « expose » moins. Les livres, les cassettes, les CD, les DVD, les disques…
sont rangés, stockés comme des réserves de pensées et d’approches sensibles du
monde. On peut les manipuler, les approcher aussi, avant d’y pénétrer plus.
S’agissant de gens et de littérature, on parle souvent de « tranches de vies ».
J’ai voulu faire des sortes de « tranches de vues » qui seraient des stocks de
pensées. Ces soixante rencontres de gens dans des espaces de leur vie, ayant
généré soixante photos-objets, sont alors devenues une collection que j’ai
appelée Non vigilance. J’ai réalisé, avec l’aide d’un artiste-designer, Laurent
Hamon, deux présentoirs-bacs de rangement permettant au visiteurs de manipuler
les photographies protégées par leur écrin de plexiglas et d’acier. L’ensemble
est présenté dans un espace clos, assez propice à la méditation, rappelant une
chambre d’enfant.
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Jardin aux Habitants (2002)
Extrait Vidéo
Paris, 2002, tracé, matériaux de récupération, terre végétale, végétaux, peinture, installation dans espace urbain, actions d’habitants.
En janvier 2002 il m’a été proposé de réfléchir à une œuvre qui puisse être installée sur un espace vacant, contigu au Palais de Tokyo, dans le 16e arrondissement de Paris. Ce terrain, tout en longueur, étonnamment en friche pour un quartier aussi prestigieux, se situe entre la rue de la Manutention et le Palais, en contrebas de l’avenue du Président-Wilson. Cette rue de la Manutention commence au bas d’un immense escalier et se dirige vers la Seine. On aperçoit la tour Eiffel toute proche. Le quartier est peu chaleureux pour le passant, partout se manifeste la puissance et l’argent. A la différence d’autres quartiers de Paris, il semble y avoir peu de relations entre les gens. Ici, l’hiver, le vent s’engouffre dans les larges avenues. Les quelques rares brasseries ferment tôt le soir et n’ouvrent pas le dimanche. Tout est terriblement onéreux, même le marché du samedi matin, avenue du Président-Wilson, seule animation à apporter un peu de vie, à permettre les rencontres entre habitants, ou avec les marchands forains.
J’ai proposé de faire en sorte que cet espace devienne un territoire presque « gratuit », c’est-à-dire non déterminé par des seules considérations d’argent et de distinction sociale. Pour cela, j’ai décidé de diviser cet espace en seize parcelles et de les proposer à des volontaires pour les cultiver. J’ai ainsi fait appel à des habitants de Paris et de sa banlieue. J’ai expédié soixante courriers à partir d’un fichier de candidats à des jardins. Trente personnes de diverses catégories sociales sont venues à la réunion que j’ai organisée. J’attendais de leur part une certaine implication, je leur demandais de faire « leur jardin », sans volonté de démonstration, sans faire le « concours du plus beau jardin ». Je leur demandais également d’élaborer certains éléments en commun : les cabanes, les bordures, les haies…
Chaque parcelle est devenue, peu à peu, un territoire doté de son esthétique propre, reflet de la personnalité de son « habitant ». L’ensemble bigarré réchauffe les bâtiments froids. Le week-end, au printemps et en été, les jardins sont très souvent habités, des pique-niques s’improvisent, les jardiniers rient, parlent fort, les passants s’arrêtent et discutent. Le soir aussi des jardiniers traînent, on entend des bruits de râteaux. L’automne venu, aux premiers frimas, on discute en rangeant les outils dans les cabanes où reposent les graines.
voir ici: http://archives.palaisdetokyo.com/fr/prog/jardinhab.html
J’ai proposé de faire en sorte que cet espace devienne un territoire presque « gratuit », c’est-à-dire non déterminé par des seules considérations d’argent et de distinction sociale. Pour cela, j’ai décidé de diviser cet espace en seize parcelles et de les proposer à des volontaires pour les cultiver. J’ai ainsi fait appel à des habitants de Paris et de sa banlieue. J’ai expédié soixante courriers à partir d’un fichier de candidats à des jardins. Trente personnes de diverses catégories sociales sont venues à la réunion que j’ai organisée. J’attendais de leur part une certaine implication, je leur demandais de faire « leur jardin », sans volonté de démonstration, sans faire le « concours du plus beau jardin ». Je leur demandais également d’élaborer certains éléments en commun : les cabanes, les bordures, les haies…
Chaque parcelle est devenue, peu à peu, un territoire doté de son esthétique propre, reflet de la personnalité de son « habitant ». L’ensemble bigarré réchauffe les bâtiments froids. Le week-end, au printemps et en été, les jardins sont très souvent habités, des pique-niques s’improvisent, les jardiniers rient, parlent fort, les passants s’arrêtent et discutent. Le soir aussi des jardiniers traînent, on entend des bruits de râteaux. L’automne venu, aux premiers frimas, on discute en rangeant les outils dans les cabanes où reposent les graines.
voir ici: http://archives.palaisdetokyo.com/fr/prog/jardinhab.html
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Jardin au Mandala (2000)
La Courneuve, 2000, tracé, matériaux de récupération, terre végétale, végétaux, bois et tôles dans espace vert, action d’habitants.
Dans le cadre de la biennale Art grandeur nature, il m’a été proposé de réaliser une œuvre dans le parc de La Courneuve, situé dans la banlieue parisienne. En me promenant dans le parc, j’ai eu l’impression que c’était un espace de détente et de loisirs pour habitants d’une grande ville en mal d’oxygénation, mais surtout, j’ai ressenti ce parc comme s’il était un simple décor. Ce lieu est saturé de signalétique, de mobilier de « green design ». Tout ceci joue comme des cartels sur un espace conçu par des spécialistes de l’hygiénisme et d’une pédagogie de la nature. J’ai ensuite appris le passé agricole de ces lieux. Ici se trouvait le vignoble de l’abbé Surger de Saint-Denis au xiie siècle, la ferme Saint-Honoré au xviiie, les quarante hectares de cultures maraîchères en 1925, les jardins ouvriers dans les années cinquante…
Progressivement l’idée de la terre, du sol à labourer, m’est venue à l’esprit, se substituant à celle trop esthétique et trop lisse du parc. J’ai pensé, moins à un paysage à voir, qu’à une nature à transformer. Ici, où tant de paysans de divers pays du monde sont devenus des immigrés dans la grande mégalopole, j’ai pensé que la terre pétrie était refoulée, comme la boue, qui était là il n’y a pas si longtemps : celle des bidonvilles des années cinquante. J’ai aussi pensé aux gens que mobilisait le Parti communiste français lors des fêtes de L’Humanité qui avaient lieu dans ce parc. L’ouvrier des usines est souvent un paysan chassé de sa terre. L’immigré d’aujourd’hui aussi. Ils sont les prolétaires assidus du parc quand les lampions de la fête de L’Huma se sont éteints. Gilles Clément, le paysagiste, n’aime pas non plus les parcs trop lisses. Il a fait « l’éloge de la friche ». Depuis Neil Amstrong, tout le monde pense de plus en plus que la terre est un jardin.
Alors, j’ai tracé un cercle de vingt mètres de diamètre, au cœur du parc, sur une immense pelouse. A l’intérieur de ce cercle, j’ai proposé de faire réaliser huit « micro-jardins » par des habitants de La Courneuve fréquentant le parc. J’ai appelé l’ensemble Jardin au mandala. J’ai voulu faire une sculpture qui aurait plus l’apparence graphique et monumentale du mandala, que son contenu rituel et mystique. Ces micro-jardins par leur forme triangulaire et incurvée à leur base, en s’articulant les uns aux autres, constituent le mandala. Ce diagramme/mandala établit une relation entre le microcosme et le macrocosme. Il donne une visibilité au projet. A l’intérieur du cercle on se sent comme protégé du monde extérieur et pourtant le dialogue entre les jardiniers et les visiteurs est facile.
______________________________________________________Dans le cadre de la biennale Art grandeur nature, il m’a été proposé de réaliser une œuvre dans le parc de La Courneuve, situé dans la banlieue parisienne. En me promenant dans le parc, j’ai eu l’impression que c’était un espace de détente et de loisirs pour habitants d’une grande ville en mal d’oxygénation, mais surtout, j’ai ressenti ce parc comme s’il était un simple décor. Ce lieu est saturé de signalétique, de mobilier de « green design ». Tout ceci joue comme des cartels sur un espace conçu par des spécialistes de l’hygiénisme et d’une pédagogie de la nature. J’ai ensuite appris le passé agricole de ces lieux. Ici se trouvait le vignoble de l’abbé Surger de Saint-Denis au xiie siècle, la ferme Saint-Honoré au xviiie, les quarante hectares de cultures maraîchères en 1925, les jardins ouvriers dans les années cinquante…
Progressivement l’idée de la terre, du sol à labourer, m’est venue à l’esprit, se substituant à celle trop esthétique et trop lisse du parc. J’ai pensé, moins à un paysage à voir, qu’à une nature à transformer. Ici, où tant de paysans de divers pays du monde sont devenus des immigrés dans la grande mégalopole, j’ai pensé que la terre pétrie était refoulée, comme la boue, qui était là il n’y a pas si longtemps : celle des bidonvilles des années cinquante. J’ai aussi pensé aux gens que mobilisait le Parti communiste français lors des fêtes de L’Humanité qui avaient lieu dans ce parc. L’ouvrier des usines est souvent un paysan chassé de sa terre. L’immigré d’aujourd’hui aussi. Ils sont les prolétaires assidus du parc quand les lampions de la fête de L’Huma se sont éteints. Gilles Clément, le paysagiste, n’aime pas non plus les parcs trop lisses. Il a fait « l’éloge de la friche ». Depuis Neil Amstrong, tout le monde pense de plus en plus que la terre est un jardin.
Alors, j’ai tracé un cercle de vingt mètres de diamètre, au cœur du parc, sur une immense pelouse. A l’intérieur de ce cercle, j’ai proposé de faire réaliser huit « micro-jardins » par des habitants de La Courneuve fréquentant le parc. J’ai appelé l’ensemble Jardin au mandala. J’ai voulu faire une sculpture qui aurait plus l’apparence graphique et monumentale du mandala, que son contenu rituel et mystique. Ces micro-jardins par leur forme triangulaire et incurvée à leur base, en s’articulant les uns aux autres, constituent le mandala. Ce diagramme/mandala établit une relation entre le microcosme et le macrocosme. Il donne une visibilité au projet. A l’intérieur du cercle on se sent comme protégé du monde extérieur et pourtant le dialogue entre les jardiniers et les visiteurs est facile.
Les Cyclistes (2000)
Nantes, 1998, peintures sur toile, espaces créés par tableaux installés, actions d’habitants.
J’ai été invité en 1998, à Nantes, par l’association Entre-deux, à réaliser un projet basé sur l’idée de rencontres possibles entre deux quartiers, celui de Dervalières et celui de Zola. Je ne voulais pas m’inscrire dans un projet extérieur par l’installation de photographies ou de textes comme dans d’autres projets. Je voulais travailler sur « l’intérieur », sur la manière dont un appartement, un salon, une chambre, sont aménagés. L’extérieur, dans ce contexte, serait pris en compte comme une veduta, car je voulais faire aussi un travail autour de l’idée de paysage, le mot désignant à la fois une réalité physique et une œuvre d’art. Je voulais m’intéresser au pouvoir symbolique de la peinture au-delà même de sa qualité intrinsèque. Je ne me sentais aucune qualité de peintre dans ce projet. Je voulais chausser les bottes du peintre amateur de paysages, mais sans cynisme, avec tendresse, un peu comme l’artiste Jean Le Gac jubilait, par son œuvre narrative et plastique, sur la figure du peintre du dimanche. Le tableau allait devenir, pour moi, non pas une œuvre par elle-même mais un « outil ».
J’ai eu l’idée de contacter des cyclotouristes des deux quartiers, à l’instar de ceux dont les maillots bigarrés émaillent la campagne des dimanches matins dans toute la France. De leur côté d’ailleurs, les beaux jours venus, les peintres-amateurs ressortent leur boîte d’aquarelle, leur chevalet et leur carton à dessins. C’est étonnant de voir combien le paysage absorbe, attire et représente ! Mon idée, c’était que le vélo me parle moins de la compétition sportive, du corps en souffrance, que du paysage traversé et éprouvé. Je voulais jouer de cette idée-là, tout en tirant au maximum parti des pratiques de mes « modèles » cyclotouristes. J’ai donc demandé à six habitants-cyclistes des deux quartiers de poser pour moi devant le paysage de leur choix, traversé et aimé par eux lors de leurs promenades dominicales. Ensuite, j’ai fait leur portrait en tenue de cycliste, en utilisant comme couleurs ou moyens plastiques ce dont ils disposaient à leur domicile : des tubes de gouache pour enfants, des crayons feutres, du brou de noix, des pots de peinture de bâtiment, des bombes aérosols de retouche de carrosserie de voiture, de l’antirouille…
Les tableaux ont été accrochés par les gens (le format avait été calculé en fonction de leur intention d’accrochage) dans un espace de leur maison ou appartement. J’ai photographié cette installation, j’ai fait une vidéo de ces moments significatifs. Ces traces ont pour moi de l’importance. Les gens ne sont pas propriétaires du tableau. Ils en ont simplement l’usage à vie, par convention entre moi, eux et l’acquéreur potentiel de l’ensemble du dispositif. J’ai créé un protocole de l’usage et des conditions de monstration de cette œuvre. Le droit fait partie de ce travail artistique, car l’œuvre est là, dans tout ce processus, y compris juridique Pour moi le droit est une mise en forme, comme le dessin en est une. Le droit est ce qui nous permet de donner un cadre au « vivre ensemble » et les principes juridiques donnent sens à certaines choses importantes de la vie en commun.
A la galerie du Dourven, ensuite, avec deux familles de Nantes ayant collaboré, nous avons re-créé deux « lieux de vie » autour des portraits en tenue des cyclistes. La galerie s’est donc transformée en deux appartements, décorés par les gens eux-mêmes, le tableau devenant le prétexte pour générer un espace, alors que c’est généralement le contraire : le tableau jouant comme une veduta dans un intérieur.